⊹ 2 Septembre 1976 - Académie de Magie de Beauxbâtons.
« Respirer, dormir, boire, manger, travailler, rêver, tout ce que nous faisons, c'est mourir. Vivre enfin, c'est mourir ! » - Bel Ami (1885), Guy de Maupassant
Hier, c'était la rentrée, mais ce n'est qu'aujourd'hui tout a réellement recommencé. Les couloirs lumineux sont à nouveau bondés d'élèves à l'uniforme en soie bleue, et ça sera comme ça pour encore 9 mois. Rien, semble-t-il, n'a changé : les filles marchent toujours par groupe, gloussent parfois et parlent toujours, les garçons les regardent, perchés sur une rampe d'escalier ou adossés au mur, bien souvent accompagnés de leur gang de meilleurs amis. Une hiérarchie règne entre les élèves, invisible pour les adultes, et pourtant dépendante des actions de chacun des académiciens. La France est belle, la France est magnifique, la France est magique.
Rien n'a changé, alors ? Bien sûr que si. Quinze élèves manquent à l'appel, et pas n'importe lesquels : les quinze meilleurs. L'élite magique de Beauxbâtons ne parcoure plus les couloirs du château, ils sont partis. Où ? Dans un autre château, dans un autre pays : à Poudlard, la meilleure école de sorcellerie de Grande Bretagne.
Nous allons nous intéresser à un de ces quinze élèves, nommé Adonis Leroy. Baladons-nous dans les couloirs de Beauxbâtons, demandons à ses anciens camarades ce qu'ils pensaient de lui...
« Ado ? Mm, brun, aux yeux bruns, plutôt grand ...
– Adonis n'était pas du tout brun, Anne ! Il était plus... Blond cuivré, châtain clair, tout au plus. Et ses yeux n’étaient pas seulement "brun", ils avaient la couleur du miel, ils étaient ... Ambrés. »Adonis tenait ses yeux de sa mère – préparez-vous d'ailleurs à beaucoup entendre parler d'elle – et quant à ses cheveux, c'était un mélange : sa mère avait les cheveux d'un noir de jais, ondulés, tandis que son père, dans sa prime jeunesse, les avait eus très blonds. Le garçon prenait un grand soin de sa masse capillaire, et veillait à ne jamais arborer deux jours de suite la même coupe de cheveux. De plus, il avait eu la chance de subir sa puberté assez jeune, de sorte qu'il pouvait autant jouer avec ses cheveux qu'avec sa barbe. Si un jour, c'était rasé ras, ça pouvait aussi être moustache, ou barbe nonchalante de trois jours. Et puis puberté jeune signifie aussi plus trop de boutons disgracieux, et une voix parfaitement maîtrisée, ce qui n'était pas toujours évident pour les adolescents de quinze ou seize ans. Adonis aimait se placer devant le miroir de sa salle de bain et s'entraîner à prendre n'importe quel ton de voix, et je me rends compte en écrivant ceci que j'aurais dû commencer par vous décrire sa personnalité, parce que notre Adonis fait partie de ces personnes dont le physique dépend de la personnalité. M'enfin, nous avons commencé ainsi, alors continuons !
D'autres nanas se sont ramenées. Elles ne se ressemblent pas, ne traînent pas ensemble, n'ont rien en commun, sauf une chose : Adonis Leroy.
« Il sentait toujours bon, pas un de ses mecs qui se dit "bon, la douche c'est une fois tous les trois jours, pareil pour la brosse à dents"
– Clairement ! Et puis il souriait tout le temps, et quel sourire ! Des dents parfaitement blanches, pas toutes alignées mais ça avait son charme, et puis des belles lèvres roses et charnues...
– Il prenait soin de lui, vraiment. Il faisait du sport, du Quidditch tous les jours, des joggings dans le parc chaque semaine, et puis de l'équitation, aussi ! Il mangeait sainement, pas trop gras, trop sucré, trop salé…
– Dit comme ça on dirait qu'il subissait la vie, nan nan, il l'aimait vraiment, la vie, alors il en prenait soin !
– Je ne sais pas comment il va faire en Angleterre, il va finir par perdre tous ses abdos à cause de leur bouffe répugnante, et puis la bière ... ! »Adonis avait un physique assez banal, en réalité. Il n'avait pas une structure faciale qui sortait de l'ordinaire, il n'était pas d'une grandeur ou d'une largeur impressionnante, et outre ses yeux qui étaient d'une couleur plutôt inconnue, s'offrir une originalité avait alors été un apprentissage de tous les jours. Avec les années, il avait vu son corps grandir, prendre petit à petit la forme de celui d'un homme, musclé là où il fallait, mais pas trop. Il dirigeait cela avec minutie, parce que le corps, c'est ce qu'on voit en premier. C'était sa mère, qui lui avait donné ce goût pour l'entretien personnel : il fallait plaire pour réussir dans le monde, disait-elle, et les gens sales ne plaisent pas ; son fils ne devait donc pas être sale, et pas gros non plus ! Mais pas trop maigre, les maigres sont faibles. Il faut être musclé, faire du sport, montrer qu'on aime son corps à tel point qu'on veut le garder en bon état pour encore au moins 60 ans ! Néanmoins, tout était fait dans la mesure : des trop gros bras n'étaient franchement pas les bienvenus, parce que ça faisait un peu "il a des avant-bras mais pas de cerveau", par exemple. Et Adonis avait un cerveau.
« Putain les filles mais vous êtes sérieuses, à baver comme ça ?! Leroy c'était qu'une petite poupée en porcelaine, ou plutôt en pâte à modeler, aucun intérêt, mais alors aucun !
– Soit pas jalouse Clémence, ce n’est pas de notre faute s’il n’a pas voulu de toi dans son lit !
– Mais je ne veux pas de ce mec dans mon lit, t'es folle !
– Eh bien tu devrais, peut-être que lui et ses très beaux cadeaux de la nature parviendraient à sortir le balai que tu t'es coincé dans le cul ! »Et puis ça continuait, mais je ne vais pas vous faire la suite de la dispute, c'est fréquent, banal, vous en verrez des pires concernant le 'Donis, et tout ce dont nous avons besoin est là.
Souvent, vous l'aurez compris, Adonis passait pour une poupée en plastique, maniable comme on le voulait. Mais la réalité était bien différente : si en effet le français ressemblait à un mannequin de presse féminine, parce qu'il prenait soin de lui, qu'il avait un visage classique et symétrique, il avait surtout énormément de charme. Sourire ravageur, regard un peu mystérieux dans lequel se cache une pointe de malice, manières de gentleman, et ce petit truc indescriptible qui font fondre ces demoiselles sans réellement avoir besoin de faire des efforts pour.
Pratique, quand on a le caractère d'Adonis. Hm. J'aurais vraiment du commencer par là. Bref.
Certaines filles faisaient mine de lui résister, de ne lui trouver aucune qualité. Certaines y arrivaient, mais c'était soit parce qu'elles étaient en couple et très amoureuses (mais c'était rare), soit parce qu'elles étaient lesbiennes (et ce n'était qu'un défi de plus pour le jeune homme). Il plaisait, et faisait tout pour, auprès des jeunes, des vieilles, des filles, mais aussi des garçons, même s'il ne jouait pas sur ce bord-là. Sa mère lui avait enseigné qu'il devait jouer de ce beau corps que la nature lui avait offert. Évidemment, elle ne lui avait pas demandé de coucher avec tout ce qui passait, mais disons qu'il avait pris très à la lettre ses conseils, et après tout pourquoi pas, c'étaient de très bons conseils.
« Vous voyez le cliché du français de bonne famille, qui se porte bien droit, sourit tout le temps, et s'habille bien ? C'est Adonis Leroy.
– Ouais, enfin n'exagérons rien Mel' ! Tu dis ça parce que toi aussi, t'es une française de bonne famille, tu le vois aux bals et aux apéritifs dînatoires et je ne sais quoi, et là, en effet, doit pas y'avoir plus BCBG que lui. L’Ado que je connais, il porte très bien l'uniforme de Beauxbâtons, mais le dimanche il est très bien en Jean–T-Shirt ! »Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? Pourquoi faire simple quand on a les moyens de faire compliqué ? C'était la question que se posait quotidiennement le français. Bien sûr, du lundi au vendredi en période de cours, il ne se posait pas la question, il portait l'uniforme de son école adorée : pantalon blanc cassé et souple, chemise bleue claire, un pull-over si l'hiver était rude, et une cape en soie du même bleu que la chemise, qui arrivait en bas du dos. Élégance française en personne, çà oui ! Et pas qu'à l'école : avec ses sangs-purs de parents, impossible de se montrer autrement. Il portait ses pantalons parfaitement repassés et retroussés, sans que le moindre accroc soit venu les abîmer, ses chemises étaient parfaitement bien rentrée dedans, sa cravate ou son nœud papillon s'assortissaient toujours parfaitement avec le reste de sa tenue, ses chaussures étaient toujours cirées à la perfection, ses pulls tricotés avec soin. Il portait aussi une chevalière aux armoiries de sa famille, en argent massif, et la montre que son père lui avait offert, du même métal, était toujours accrochée à son poignet. Oh oui, en présence de la Haute, l'hypocrisie du français était à son comble. Hypocrisie ? J'aurais définitivement du commencer par le mental. Mais oui, hypocrisie. Parce que s'il n'était pas en famille, à des bals ou à d'autres grands événements, ou plus simplement à l'école, Adonis ne s'embarrassait pas vraiment de trop de fioritures. Déjà, il dormait nu, considérant que s'embarrasser d'un pyjama en soie offert par Mamie Madeleine n'était qu'une idiotie (quoi que, en hiver, le pull en cachemire était sa tenue de nuit favorite). Les fins de semaines à Beauxbâtons, quand les uniformes n'étaient pas obligatoires, Adonis vivait bien souvent en jean, vous savez cette merveilleuse invention, ces pantalons en toile denim qui viennent de l'autre côté de l'Atlantique, très à la mode dans ces années-là, et qui sont supposés être inusables. En haut, des polos, des chemises ou des t-shirt, c'était pour lui du pareil au même. Aux pieds, il portait des tennis, ou des vieilles chaussures qui parfois avaient appartenu es à son patriarche. Comment ça, c'était étrange ? Il portait tout cela avec tellement d'élégance et de classe que, de toute façon, ça ne changeait rien. De plus, suffisait qu'il fasse un ourlet à son jean, qu'il entrouvre sa chemise ou qu'il change la couleur de ses lacets pour que les filles soient à ses pieds ou que les garçons veuillent l'imiter.
« Il va nous manquer. Il avait cette espèce d’aura ici, il faisait partie de Beauxbâtons, sans lui ça ne sera pas pareil…
– Ce n’est pas juste qu’il était populaire, il était vraiment juste … enfin il avait parfaitement sa place ici.
– Les anglais et les russes ne vont rien comprendre à ce qui leur arrive. Il va amener le soleil avec lui, et tous ces nordistes vont être éblouis …
– Ouais bon ça va, soit pas non plus trop amoureuse de lui, ça commence à devenir gênant… »Adonis souriait beaucoup, c’est vrai. Et il avait cet air de français, autant parisien que niçois, d’ailleurs : toujours classe, même quand il était décontracté. Il avait un rire qui donnait à tout le monde l’envie de s’esclaffer avec lui. Ses yeux étaient rieurs, et ses lèvres étaient naturellement courbées en un léger sourire. Très peu de personnes voyaient Adonis de mauvaise humeur, il préférait garder les nuages pour lui, et montrer le soleil aux autres. C’était cela que la jeune fille – folle amoureuse du garçon c’est vrai – avait voulu dire. Quoi qu’on puisse lui dire, Adonis souriait. Tous ceux qui le critiquaient étaient mis dans la catégorie des jaloux, sans plus de cérémonie. Quand, pendant les vacances, il allait à la plage suivit de sa cour, il était le premier à sauter dans l’eau, à aller acheter des glaces pour tout le monde, et à faire des châteaux de sable. A Paris, il les traînait dans des bars et dansait dès onze heures sur les comptoirs en se déhanchant. Mais ne partons pas trop sur le mental, ça sera pour plus tard. Revenons sur son physique :
« Adonis sent toujours bon, c’est dingue, et il a ce parfum tellement reconnaissable, quand il est passé quelque part on le sait tout de suite.
– Ouais, enfin il fume quand même pas mal, ça a tendance à masquer le parfum …
– Mais Marie t’as rien compris ! C’est ça qui fait son parfum… »L’accessoire préféré d’Ado, hormis son édition vieille comme le monde de
Bel-Ami ? Sa clope. Il avait toujours sur lui une petite boite en fer, peinte à la main, dans laquelle il rangeait son tabac, ses filtres et ses feuilles, et son briquet, bien sûr. Il était en argent, et étaient gravées dedans ses initiales entrelacées, « AL ». Il fumait beaucoup et cela malgré l’évidente réalité que ça lui détruisait les poumons – que voulez-vous, ça faisait partie de son style, maintenant. D’ailleurs, il y avait parfois dans cette petite boîte un élément un plus : des petites boulettes d’herbe beaucoup plus verte, parce que le damoiseau savait faire la fête.
Sinon, Adonis se parfumait, et ne s’autorisait d’ailleurs à sentir la transpiration qu’après un match de Quidditch, et évidemment, après l’amour. Je ne suis pas en train de dire là qu’il allait se re-parfumer toutes les trente-six secondes, non, il n’était pas aussi précieux, mais contrairement à pas mal de ses camarades, il savait ce qu’était le déodorant, même en 1976 – merci les US – et la douche, aussi.
Son parfum avait pour essence principale la grenade, et il retrouvait une odeur de grenade fraîche dans son Amortentia ; oui, vous pouvez en déduire que c’était une preuve qu’Adonis s’adorait. C’était le cas, ou en tout cas, il aimait ce qu’il avait fait de lui-même.
« En fait, je crois que ce qui plaisait autant, c'était le fait qu'Adonis Leroy avait toujours l'air heureux... » ⊹ 2 Septembre 1977 – École de Sorcellerie de Poudlard.
« Perhaps - I want the old days back again and they'll never come back, and I am haunted by the memory of them and of the world falling about my ears » - Gone with the Wind (1936), Margaret Mitchell
« Adonis Leroy ? Ah oui, c'est celui qui a perdu sa mère pendant l'année ? »Un an plus tard, nous posons la même question aux élèves de Poudlard, école où Adonis Leroy a passé la dernière année de sa scolarité, pour son plus grand bonheur, mais son plus grand malheur aussi. Il a passé les portes du Château écossais un sourire aux lèvres, et en est ressorti, neuf mois plus tard, un air hagard peint sur le visage. Quand Adonis s'est assis sur le tabouret en bois de la Grande Salle et qu'on lui a posé le Choixpeau Magique sur la tête, son cœur battait la chamade. Il regardait les personnes qui l'entouraient, curieux de ce qui l'attendrait. Ses cheveux, courts, étaient parfaitement domptés sous le bout de cuir rapiécé, il était rasé de près, et il portait l'uniforme anglais à la perfection. Quand le Choixpeau s'exclama « POUFSOUFFLE » et qu'on lui indiqua la table des Jaune et Noir, il ne fut pas étonné – ou pas vraiment, disons. Il avait évidemment lu l'Histoire de Poudlard, par Bathilda Tourdesac, avant d'arriver au Château, et avait écouté la chanson du Choixpeau. Il pouvait être qualifié de loyal ; avec ses amis qui se comptaient sur les doigts d'une main, tout du moins. Juste ? Pourquoi pas ; en tout cas, l'intolérance ne coulait pas dans ses veines, et il savait reconnaître l'injustice et avait appris à la mépriser. Travailleur, il l'était certainement. Après tout, il faisait partie des quinze meilleurs élèves de Beauxbâtons, puisqu'il avait été choisi pour partir en Grande Bretagne. Disons surtout qu'Adonis n'était ni particulièrement courageux, pas plus qu'il n'était ambitieux, et si sa curiosité et son sérieux aurait pu le faire rentrer chez les Serdaigle, la sagesse de ces oiseaux ne pouvait s'appliquer à son caractère.
Ancien étudiant de la maison des Angevin en France, Adonis trouva donc sa place chez les Blaireaux de Poudlard, et il s'en satisfaisait. De toute façon, ce n'était pas vraiment cela qui importait.
« C'est glauque, ce que tu dis, on pourrait quand même le décrire différemment. Quand il est arrivé ici, tout le monde n'avait d'yeux que pour lui, surtout les filles. Un coureur de jupons, comme on dit, pas trop apprécié des gars, mais adoré des nanas. Et puis il fréquentait le beau monde, on aurait qu'en deux minutes, il connaissait déjà tout Poudlard, c'était incroyable. »Adonis était charismatique, et c'était le moins qu'on puisse dire. Les professeurs l'adoraient, il avait cette capacité insupportable de plaire au commun des mortels, de bien savoir parler pour s'en sortir dans toutes les situations avec une aisance incroyable. A peine arrivé à Poudlard, il copinait déjà avec le préfet de sa maison autant qu'il prenait un thé avec l'une des Reines du nid de vipères que représentait pour lui la Maison des Serpentards. Il avait une mémoire des visages et des prénoms, il était alors capable de se souvenir de tout ceux dont il croisait la route, et bientôt, quelques semaines après l'arrivée des deux délégations à Poudlard, tout le monde savait qui il était. Adonis était serviable, gentil, quoi qu'un peu intéressé, mais il ne demandait à personne de devenir son meilleur ami. Adonis aimait être entouré, mais il ne se confiait que peu. Il copinait, mais ne se créait pas d'amitié qui dureraient jusqu'à la mort. Il avait l'hypocrisie facile, mais ne promettait pas non plus des montagnes d'amitié à ceux qui se souvenaient de son prénom.
Parlons un peu de cette hypocrisie, voulez-vous ? Adonis naquit dans l'une des familles au sang le plus pur de France. Il fut été éduqué dans le luxe par des nurses et des Elfes qui lui apprirent à se comporter comme le noble qu'il était, son père lui appris à se tenir droit en société, et sa mère à bien parler. On lui répéta que son sang presque bleu était supérieur à celui du voisin, et particulièrement à celui du voisin
moldu. Adonis marchait avec la tête haute d'un pas léger quoique sûr, il suivait toujours parfaitement la mode, il montait à cheval, jouait du piano, connaissait le latin et le grec, pour résumer, il avait appris à se comporter comme l'être supérieur que ses parents lui avaient fait croire qu'il était. Si seulement ils avaient été plus présents, néanmoins ; peut-être que tout cela aurait fonctionné, peut-être qu'il aurait fini par y croire. Mais Adonis ne grandit pas entouré par son père et sa mère. Il grandit dans des immenses villas vides, souvent seul. Son meilleur ami, quand il était gamin, était son Elfe de Maison ; celle à qui il pouvait toujours se confier était sa nurse cracmolle. Alors Adonis appris à mentir, à faire semblant. Quand son père lui glissait à l'oreille combien untel était un traître à son sang, il lançait un parfait rictus méprisant en direction de ladite personne. Quand sa mère lui annonçait qu'il devrait se marier avec unetelle, qui avait le sang aussi pur que le sien, il faisait mine d'être complètement d'accord avec elle. Et quand la nurse cracmolle fut licenciée parce qu'Adonis était désormais trop grand, il ne montra jamais ses larmes.
« C'était étonnant, tu te souviens qu'il traînait toujours avec des nés-moldus, et pourtant que les Serpentards ne manquaient jamais de l'inviter à leurs soirées de la haute ?
– C'est parce qu'il couchait avec tout le monde, ça. C'est grave, la moitié du château a dû passer dans son lit. »N'exagérons rien, ça ne s'est pas exactement passé comme ça. Disons simplement qu'Adonis appréciait la compagnie des femmes, et l'une des raisons de son départ pour l'Angleterre était, certes, l'agrandissement de son tableau de chasse. Mais ça, personne n'a jamais osé le lui reprocher. Il n'a jamais menti, ne s'est jamais fait passer pour ce qu'il n'est pas. Il n'a jamais promis monts et merveilles à une fille pour l'avoir dans son lit, mais la société des années soixante-dix se relâchait au niveau de la sexualité, et il ne faisait qu'en profiter. Si quelques nanas ont espéré que ça irait plus loin, il leur a toujours fait comprendre que ça ne serait pas le cas, pas comme elles l'entendaient, en tout cas. Rares étaient celles qui osaient lui reprocher quelque chose, tant elles auraient été de mauvaise foi si elles l'avaient fait. Adonis ne mettait personne dans son lit : on y venait parce qu'on savait à quoi s'attendre. Pas de relation, seulement quelques bonnes heures passées à rire et faire l'amour. Il n'y a pas de mal à cela, n'est-ce pas ? Il jurait qu'il n'avait pas envie de cela, que la seule femme qu'il aimerait serait sa mère. Il fallait avouer que sa relation avec celle-ci était un peu particulière, mais je ne crois pas qu'elle ait été la seule raison de son refus d'avoir une relation sérieuse. La véritable raison s'appelait Cornélia. Mais parlons d'abord de maman, voulez-vous ?
Adonis était sûrement destiné a être irrémédiablement déçu par l'amour que tentait de lui donner sa mère. Mais n'est-ce pas là le sort réservé à tout enfant ? Adonis donnait tellement à sa mère qu'il s'étonnait que si peu lui revienne en retour ; comme tout enfant de l’œdipe, il voulait épouser sa mère et évincer son père, mais Maman n'avait aucune envie d'épouser bébé, elle qui n'était même pas fidèle à Papa. Madame Louise Leroy était dépressive, pour tout vous dire. Elle n'avait jamais aimé ce mari qu'on l'avait forcé à épouser, qui se montrait parfois violent envers elle, et qui surtout, l'avait empêché d'être amoureuse. De son côté, elle n'avait jamais requis de sa part une fidélité à son égard, et pourtant, Merlin savait qu'Henri Leroy avait des dizaines d'amantes, il ne s'en cachait presque pas. Mais Louise avait eu le malheur de tomber amoureuse de la mauvaise personne : elle s'était éprise d'une femme, de l'épouse d'un autre sorcier de la haute société magique. Les deux femmes avaient vécu une idylle cachée des yeux de leur maris, qui avaient néanmoins fini par le découvrir et qui, pour éviter le scandale, les avaient séparées.
Louise ne s'en remit jamais ; Adonis n'était évidemment pas au courant de toute cette affaire, mais ô combien il tentait de rendre sa mère heureuse, il s'était petit à petit rendu compte que ça ne serait certainement jamais possible. Il était pourtant le rejeton parfait, celui qu'elle voulait absolument qu'il soit. On ne lui faisait que des compliments sur ce petit garçon à la tête d'ange si bien éduqué, et pourtant, rien ne semblait suffisant pour qu'elle le prenne enfin dans ses bras pour lui murmurer qu'elle l'aimait. Adonis lui avait juré de la protéger, de toujours être là pour elle, de toujours l'aimer. Était-ce seulement ce qu'elle demandait ? Il ne le saurait probablement jamais.
« Tu te souviens comme ça a dégénéré ? C'était une histoire avec Rabastan, n'est-ce pas ?
– Comment tu peux avoir oublié, tout le château en a parlé pendant des semaines ! Ado a flirté avec la nana de Lestrange, Gaël. Je pense qu'il le regrettera encore longtemps.
– Il doit être content qu'il ait été envoyé à Azkaban…
– Mais il n'a pas été envoyé en prison pour ça, quoi qu'il l'aurait mérité.
– Comment ça ? Rabastan n'est pas en prison parce qu'il a tué la mère d'Ado ? Mais pourquoi il est là-bas, alors ? »Tout le château était au courant, et pourtant, rien n'a jamais pu être prouvé. Il faut dire que Rabastan Lestrange était du genre à couvrir ses traces. Peut-être pas assez, néanmoins.
Tout avait commencé alors qu'Adonis venait d'arriver au château. La fameuse Gaël avait été chargée de faire visiter le château au français, et
comme par magie, ils s'étaient retrouvés enfermés dans un espèce de placard à balais. Adonis avait fait apparaître un canapé, Gaël avait enfoncé ses ongles dans sa peau, ils s'étaient provoqués, le français avait cru que c'était une bonne idée de la comparer à une certaine serbe, et tout avait dégénéré. Adolescent stupide qui s'était cru plus puissant de celle qui s'était autoproclamée Reine des Serpents, et qui se baladait au bras de Rabastan Lestrange. Il faut dire qu'Adonis était orgueilleux, et qu'il n'avait jamais réalisé le véritable danger que représentait ce couple. Ce n'était qu'un jeu, pour lui. Au moment où elle s'était mise à califourchon sur lui, il y avait cru, mais tout cela s'était terminé lui avec les bijoux de familles broyés, et elle, l'arrière-train brûlé. On pourrait en rire ; il aurait fallu en rire, mais personne n'en était capable. Adonis, l’ego blessé, était allé faire sa commère et bientôt, tout le château était au courant qu'ils avaient passé une petite heure enfermés dans un placard à balais. L'histoire avait été modifiée, évidemment, à son avantage. Il aurait pu en rester là, sortir de cette pièce exiguë et oublier Gaël Dunkan à jamais. Il avait fallu qu'il se croie plus intelligent. Il l'avait payé de la vie de mère, parce que Rabastan l'avait appris, et qu'il n'était pas prêt de laisser passer cela. Tout était de sa faute, ou en tout cas, c'était ce qu'il se disait.
Rabastan Lestrange était amateur d'expérimentations. Il s'était dit que plutôt que de tester sa potion directement sur le concerné, il la ferait boire à sa mère. Distillée dans une magnifique bouteille de vin envoyée comme cadeau anonyme à madame Leroy, ce n'était pas supposé la tuer. C'était seulement destiné à faire peur un bon coup à son rejeton, pour qu'on ne le reprenne pas à essayer d'humilier la Reine des Serpents. Mais tout avait dégénéré, parce que Louise Leroy n'allait pas bien. Terriblement affaiblie par sa dépression, cette potion instable et jamais testée auparavant avait été son coup de grâce ; lentement, elle avait sombré dans la folie, folie qui la consuma entièrement avant le mois de mai de l'année 1977. Adonis avait assisté, impuissant, à l'agonie de sa mère qu'il aimait tant, et auprès de laquelle il ne pouvait même pas être. Rabastan avait fait quelques sous-entendus au français quant à la situation de santé de sa mère ; il faut dire qu'il était très étonné que sa mixture fonctionne aussi bien. C'était ainsi qu'Adonis avait compris que c'était lui, que cet état de santé qui chutait brusquement n'était pas fruit du hasard de la vie, mais de la main d'un homme. Là encore, il avait été impuissant. Aucune preuve ne pouvait être trouvée contre lui, et il ne pouvait se permettre de le menacer : que lui arriverait-il s'il osait le faire ? Qui Rabastan tuerait ensuite s'il s'attaquait de nouveau à lui ? Je vous l'ai dit, Adonis n'était pas de nature courageuse ou téméraire, même quand il est question de venger sa mère.
Henri Leroy avait abandonné sa femme depuis longtemps. Il ne croyait pas à la théorie de son fils qui disait qu'elle avait été empoisonnée. Vaguement, il tenta d'appeler quelques médicomages, mais c'est Adonis qui, depuis l'Angleterre, appelait tous les spécialistes d'Europe pour tenter de la soigner. A vrai dire, peut-être que M. Leroy avait raison : la potion n'avait certainement pas aidé, mais Louise se mourrait depuis un bon moment déjà, et quel que soit le nombre de médicomages autour de son lit, elle se dirigeait sûrement déjà vers le monde des morts.
« Tu te souviens comment il était, au mois de mai ?
– Maigrissime, avec les cheveux longs et mal coiffés.
– Et puis il puait toujours la clope, il paraît que ses colocataires de dortoir pétaient un plomb tellement il fumait dans leur chambre.
– Il en sortait plus, d'ailleurs, de la chambre. On aurait dit que l'Adonis qu'on avait connu au mois de septembre était mort avec sa mère. »La transformation physique était, il faut l'avouer, frappante, principalement à cause de la maigreur du jeune homme qui avait complètement perdu l’appétit, et ne se nourrissait par seul besoin de garder quelques forces, lui qui autrefois avait été le premier amateur de bonne bouffe. Mais à vrai dire, l'épuisement dans lequel le plongeait cette diète n'était pas le plus difficile à vivre ; au moins ainsi, il parvenait à dormir. Ce fut après les vacances de Noël que cette métamorphose commença : il avait vu sa mère dépérir sous ses yeux pendant deux semaines, et par un phénomène un peu pervers, il avait semblé vouloir l'imiter. Petit à petit, l’appétit avait disparu, remplacé par un besoin constant de fumer, cigarette sur cigarette, au point qu'au mois de mai son lit ressemblait à un immense cendrier. Son odeur se résumait à celle de la clope froide, ses cernes descendaient jusque sur ses joues creusées par la faim, et ses cheveux, à peine propres, tombaient négligemment sur ses épaules.
A ce stade, tout le monde savait ce qu'il se passait ; pas parce qu'Adonis l'avait dit, mais parce que quand la femme d'un sorcier au sang-pur, français ou non, se meure sans raison particulière, cela soulève des questions dans le monde magique. Adonis et Rabastan avaient raconté leur version de l'histoire à suffisamment de personne pour que tout Poudlard chuchote cette rumeur qui disait que le Serpentard avait empoisonné la mère du Poufsouffle, la rendant folle, et tout ça, pour une histoire de nana.
Dire qu'Adonis regrettait toute cette histoire ne serait qu'un vulgaire un pléonasme. Ses épaules se recourbaient sous le poids de la culpabilité qu'il s'infligeait, au combien ses proches lui répétaient que ce n'était pas de sa faute. Il portait un fardeau qui semblait lourd comme le monde, et il ne semblait pas vouloir s'en passer. Il ne voulait pas manger, ne voulait pas se couper les cheveux, il ne voulait pas arrêter la cigarette ou relever la tête. S'il ne parvenait pas à faire face à l'homme qui tuait sa mère, il ne pouvait plus se faire face à lui-même.
Le seul réconfort qui vint à Adonis durant les mois de supplices de sa mère, fut quand Rabastan fut envoyé en prison. A défaut de pouvoir l'y envoyer lui même, le manque de précaution du Serpentard avait été sa propre perte, et il s'était envoyé seul à Azkaban. Au mois de mars, tous les sixième et septième année du château avaient été envoyés passer trois jours à Londres, pour découvrir le monde moldu. Rabastan était accusé d'avoir, pendant ce séjour, tué un couple de moldus, ou quelque chose du genre. La presse magique autant que la presse moldue avait raconté combien ce meurtre avait été violent et sanguinaire, presque inhumain. A la fois, Adonis avait senti pendant quelques semaines ce besoin de vengeance assouvi, autant qu'il regrettait n'avoir su l'envoyer lui-même dans cette prison. Le scandale avait retenti autant à Poudlard que dans le reste du monde magique anglais. Après tout, Rabastan était issu d'une bonne famille magique, Dumbledore l'avait élu préfet de sa maison, on ne se doutait pas qu'il passerait vingt ans de sa vie en prison, envoyé entre les murs d'Azkaban à peine âgé de dix-sept ans.
Adonis était rentré en France pendant les vacances de Pâques, et était resté deux semaines au chevet de sa mère qui peinait à le reconnaître. La plus grande partie de son temps, elle l'avait passé à dormir, mais ça ne semblait pas la reposer tant elle faisait de cauchemars. Il aurait voulu rester plus longtemps avec elle, et après tout Dumbledore le lui avait autorisé, mais Henri Leroy l'avait poussé à retourner à Poudlard. A vrai dire, il n'avait pas vraiment eu tort : il n'y avait rien qu'Adonis eut put faire que les médicomages n'aient pas déjà essayé. Il quitta sa mère, en pleurs, comme un enfant auquel sa mère est arrachée le premier jour d'école, sauf qu'après son retour à Poudlard, il ne la revit jamais.
« C'est surtout à partir du voyage à Londres qu'il a changé, en fait.
– Merlin, tu te souviens quand il a plaqué la Vapin devant tout le monde ?
– La pauvre, franchement … Et après ça, plus personne, plus aucune nana dans son lit !
– Enfin, sauf Georgia ! »Adonis aurait à cœur de rectifier toutes ces rumeurs ; mais après tout, elles ne sont pas tout à fait fausses. Il a réellement quitté « La Vapin » devant tout le monde, alors que la pauvre demoiselle était folle amoureuse de lui. Mais je vais passer sur les détails de
comment cela s'est fait, pour plutôt expliquer
pourquoi il l'a fait. Adèle – car c'était son prénom – était ce qui se rapprochait le plus d'une petite amie pour Adonis, bien qu'elle ait accepté depuis un moment déjà qu'elle ne serait jamais seule dans le cœur – ou dans le lit – du garçon. Peut-être s'était-elle résignée, elle avait en tout cas arrêté d'harceler Adonis pour le convaincre de ne la choisir qu'elle. Lui avait essayé plusieurs fois de se séparer définitivement d'elle, mais il trouvait toujours un moyen de revenir dans ses bras. La tendresse qu'ils partageaient était agréable, et tant qu'elle ne lui susurrait pas des mots d'amour dans l'oreille, elle était en réalité de très bonne compagnie. Mais ça ne pouvait plus continuer ainsi ; elle l'aimait, le répétait au monde entier, et lui ne parvenait à éprouver autre chose qu'une tendre amitié pour elle. Qu’est-ce qu’il se détestait, quand il était avec elle. Il se considérait comme étant probablement la pire personne au monde. Elle était folle de lui, complètement folle, complètement amoureuse. Cela faisait longtemps qu'il savait ce qu'il devait faire: arrêter, arrêter tout, rompre. Mais il n’y arrivait pas. Il était faible, il l’avait toujours su, mais avec Adèle, c’était probablement le summum. A chaque fois qu’elle revenait vers lui, avec ses grands yeux rieurs, son sourire coquin, il ne pouvait s’empêcher de la laisser entrer à nouveau dans sa vie, le regrettant toujours un peu plus.
Il avait trouvé pour excuse un besoin de clarification dans sa vie ; ce n'était pas faux. Sa mère mourrait, ça poussait forcément à la remise en question. Mais il avait fallu deux seconde à Adèle pour comprendre la véritable raison de ce soudain retournement de situation : elle avait mentionné Georgia Elspeth Prince comme principale causeuse de troubles, et elle avait touché en plein dans le mile – quoi qu'il ait pu dire pour tenter de le dénier.
Là où les rumeurs ont tort, c'est quand elles disent qu'en mars, Georgia et Adonis couchaient déjà ensemble. Faux. Ça n'arriva pas avant mai, et pourtant, tout le monde savait, Merlin le premier, que ça avait commencé bien avant. Adonis et Georgia se sont rencontré en octobre 1976, ou peut-être en novembre. Allez lui demander à elle, elle se souvient de ce genre de chose. Lui se rappelle par contre encore de la claque qu'elle lui a assénée lors de cette première rencontre.
Ils se sont croisés à la bibliothèque, et en à peine deux minutes de conversation, la main de Georgia s'abattait déjà sur la joue du français. Allez savoir ce qu'il avait dit, quelque chose de prétentieux et sexiste, certainement. Il se souvenait de ce qu'il avait pensé, néanmoins :
blonde, anglaise, belle, magnifique, presque orgasmique. Depuis cette première rencontre, ils n'avaient plus arrêtés de se voir. Souvent, le hasard les poussaient l'un vers l'autre, mais la plupart du temps, ils forçaient le hasard. Adonis le faisait, en tout cas ; il avait appris l'emploi du temps de la jeune femme par cœur, il s'arrangeait alors pour passer devant sa salle de classe à la bonne heure, pour fumer une cigarette dans le Parc du Château quand elle revenait d'un entraînement de Quidditch, pour n'aller déjeuner que quand il était sûr qu'elle était déjà dans la Grande Salle. Non seulement Adonis avait l'impression de connaître son emploi du temps par cœur, mais il avait l'impression de la connaître
elle par cœur. Il la savait franche, mais aussi juste et raisonnée. Elle était fêtarde, buveuse, fumeuse à l'occasion, séductrice et un peu sexiste, trop lui disait-on. Pas lui. Consciente de sa beauté il la voyait en jouer, mais comme elle jouait avec tout : des cartes, des dés, des hommes, des femmes. Il la savait aussi intelligente, peut-être un peu trop arrogante, mais aussi enjôleuse et poursuiveuse. Elle faisait du Quidditch, mais le Souaffle n'était pas la seule chose qu'elle poursuivait : elle recherchait le bonheur, la réussite et croyait au coup de foudre. Il savait qu'elle croyait au Prince Charmant, mais la vie n'est pas éternelle, alors il la voyait profiter, et ça semblait faire bien longtemps qu'elle n'attendait plus l'homme parfait. Dominante et presque jamais dominée, elle savait tout de même reconnaître ses erreurs, et elle s'inclinait face à plus fort qu'elle. A la vie à la mort, ses amis : loyale jusqu'au bout de la baguette, elle les gardait pour la vie. Adonis aurait adoré faire partie de ceux qu'elle considérait comme ses amis car certainement sans se l'avouer, il la voulait à ses côtés jusqu'à sa mort. Elle était aussi Gryffondor qu'il était Poufsouffle, et ça aussi, ça le fascinait. Tout chez elle, en réalité, le fascinait. Que se soit la longueur de ses cheveux, la couleur de ses yeux, la finesse de ses doigts, ses petits tics de langage, son accent british, sa marche rapide et sûre, la manière avec laquelle elle gueulait sur le capitaine de son équipe de Quidditch, sa capacité à faire mille choses en même temps, son irrésistible moue, la manière dont elle portait l'uniforme de Poudlard, son ambition à devenir joueuse de Quidditch professionnelle … Tout était fascinant chez Georgia Prince, et tout Poudlard voyait Adonis Leroy la regarder avec des yeux brillants.
Mais ils n'étaient qu'amis, en mars en tout cas. De très bon amis, qui partageaient toutes leurs heures libres ensemble, mais qui ne voulaient surtout pas gâcher cela en passant sous les draps. Adonis n'avait jamais partagé ce type de relation avec quiconque ; pas même avec Cassandre, qui était pourtant sa meilleure amie. Il savait qu'il y avait quelque chose de différent, il savait que ce n'était pas seulement platonique, que Georgia n'était pas qu'une meilleure amie en plus. Il avait toujours besoin d'être proche d'elle. Il avait besoin de sentir ses yeux se plonger dans les siens, il avait besoin de ressentir ce frisson qui lui parcourait l'échine à chaque fois qu'elle le touchait par inadvertance. Il avait besoin de rêver d'elle toute la nuit, il avait besoin de savoir que ce n'était que lui qui pouvait la faire rire comme ça, il avait besoin de l'entendre dire «
mon Adonis » … Il avait besoin d'
elle. Il détestait tous ces garçons qu'il devait faire semblant d'apprécier parce qu'elle était amie avec eux ; il haïssait ceux qui se vantaient d'avoir passé une nuit avec elle, tout comme il adorait ceux qu'elle considérait comme « imbaisables ». Il aurait pu claquer toutes ces filles qui se croyaient meilleures qu'elle, toutes ces pestes qui la critiquaient. Certains disaient qu'il considérait Georgia comme une déesse. Alexandre, son meilleur ami, lui avait écrit une fois que s'il voulait l'avoir dans son lit, il devrait la faire redescendre de son piédestal. Mais le voulait-il seulement, coucher avec elle ? Voulait-il tout risquer pour une partie de jambes en l'air ?
Parce qu'après tout, ce qu'avaient Adonis et Georgia était suffisant. Ils partageaient beaucoup, se faisaient confiance, riaient, se battaient, s'offraient des cadeaux, faisaient des paris, défendaient l'autre à tout prix … Personne, d'ailleurs, n'osait critiquer l'un devant l'autre. De toute façon, qui fait ça ? Qui ose critiquer ouvertement quelqu'un devant la personne qui l'aime ? Parce qu'Adonis aimait Georgia. Il était tombé amoureux d'elle aussi facilement qu'on dit merci, quasiment cinq minutes après l'avoir rencontré. Mais Adonis n'avait avant cela jamais été amoureux. Comment reconnaître ce sentiment, comment le différencier de tous les autres ? Comment l'interpréter, comment le nommer, quand on ne sait pas ce que c'est ? Il fallut des mois à Adonis pour ne serait-ce qu'envisager qu'il y avait autre chose que l'amitié qui les unissait. Alors de là à appeler ça de l'amour, il y avait encore quelques pas à franchir. C'est effrayant. Les légendes racontent qu'on n'en rencontre qu'un dans toute une vie, de grand Amour. Comment être sûr que ce soit cela ? Comment ne pas se tromper ? Pourquoi vouloir risquer ce qu'on a pour une illusion qui pourrait se révéler être fausse ? Tous ces risques … Adonis était-il prêt à les prendre ? Était-il prêt à donner tout cet amour, alors qu'il avait essayé de le faire une fois, et que ça n'avait pas marché ? Il avait tout donné à sa mère. Il l'avait aimé autant qu'on puisse aimer.
« Mais ce n'est pas pareil », me direz vous. En attendant, c'est toujours aussi traumatisant. Il l'avait aimé de tout son coeur, et elle ne lui avait rien donné en retour. Elle était même
morte. Elle était morte, comme était morte Cornélia. Est-ce cela qui arrive aux gens qu'on aime ? Meurent-il tous les uns après les autres ? Ou alors, est-ce l'amour en lui même qui tue ?
« Qu'est-ce qui a fait la différence, tu crois ? Pourquoi il l'a choisie elle ?
– C'est vrai que Georgia ne ressemblait pas au type de nanas avec lesquelles il s'acoquinait d'ordinaire …
– Ce n'est pas le prototype de la brune pulpeuse aux yeux clairs, quoi.
– Elle est plutôt blonde filigrane … Peut-être qu'il n'y a pas que le physique qui compte …
– Tu dis ça comme si elle était laide ! Ado s'est quand même trouvé une bombe, il n'y a pas à pleurer pour lui ... »La brune pulpeuse aux yeux clairs, c'est Louise. Enfin, Louise quand elle était jeune, quand elle portait encore son nom de jeune fille, quand elle est tombée amoureuse. Louise sur certaines photos qu'elle gardait cachées dans un tiroir de ses appartements, qu'Adonis adorait admirer en secret. Rien d'étonnant, pour continuer sur l’œdipe, qu'il ait voulu – inconsciemment – se trouver une petite-amie qui ait l'air aussi heureuse que sa mère sur ces photos.
Cornélia était quant à elle une jeune fille blonde, qui était morte peu après avoir fêté ses quinze ans. Quand elle est tombée amoureuse d'Adonis, elle avait treize ans. C'était une jeune adolescente esseulée, qui s'était laissée aller à l'image du prince charmant que déployait son camarade. Il avait été méchant avec elle ; il l'avait repoussée en la critiquant sur son physique, avec un air de mépris qui ne peut être déployé que par un adolescent de cet âge-là. Il ne se souvenait même plus de ce qu'il avait dit, précisément. Quelque chose comme
« tu es trop grosse, je ne voudrai jamais de toi », puisque c'était pour lui qu'elle avait commencé à maigrir. Pour lui plaire, pour être belle pour lui. Adonis, à cet âge-là, avait déjà abandonné l'idée d'avoir une petite-amie. Il avait essayé avec Cassandre, ça n'avait pas fonctionné, il s'était alors résigné. De toute façon, grosse ou pas, il ne serait jamais sorti avec Cornélia ; peut-être aurait-il couché avec elle, et encore, ce n'est pas ce qui se faisait le plus, à treize ans.
Tout était allé très vite, pour elle. Elle avait entendu ces mots sortir de la bouche de celui qu'elle aimait, et elle avait arrêté de manger. Oh bien sûr, n'allez pas croire que tout était de la faute d'Adonis. Il en faut un peu plus pour rendre une fille anorexique ; il avait été l'élément déclencheur, tout au plus. Peu en importait au reste de Beauxbâtons, néanmoins : ce qu'il se murmurait dans les couloirs du château, c'était que tout était de la faute d'Adonis Leroy, qu'il l'avait rendue malade. Si vous demandiez à Cornélia, elle l'avait bien vite oublié, son Adonis ; son obsession ne tournait de toute façon plus qu'autour de la nourriture, et comment s'en passer. Plusieurs fois, Adonis, culpabilisant, avait tenté d'aller lui parler. C'était trop tard, elle était lancée, et ce n'était pas lui qui allait pouvoir y changer quelque chose.
Elle attrapa une scrofulite et en mourut, alors que d'ordinaire, une semaine à l'infirmerie suffit pour soigner cette petite maladie enfantine. Son corps avait lâché, et Adonis s'en voulait comme jamais. L'avait-il tué ? C'était ce qu'on lui répétait, et c'était ce qu'il avait finit par se répéter.
A la fin de sa vie, Cornélia avait le teint gris, elle était maigrissime, et ses cheveux blonds avaient perdus de leur éclat. Adonis s'était alors rabattu sur le modèle œdipien. Le voilà donc, favorisant les brunes aux blondes, et préférant sentir sous ses doigts les formes du corps que les os sous la peau. Évidemment, ça ne marchait pas toujours, puisqu'Adèle était blonde, et que c'était paradoxalement avec elle qu'il avait tenu la plus longue relation. Et pour boucler la boucle, nous avons Georgia Prince, blonde, fine, et tout aussi orgasmique.
Mais Adonis se retrouvait, en 1977, avec l'impression d'avoir tué deux femmes ; l'une qu'il avait aimé plus que tout au monde, et l'autre qu'il avait refusé d'aimer. Ce n'est tout de même pas un très bon départ dans la vie amoureuse, quoi qu'on puisse en dire. Peut-être s’apitoyait-il sur son sort, peut-être qu'il n'avait rien à voir ni avec la mort de sa mère, ni avec celle de Cornélia. Peut-être prenait-il le melon, mais vous, ne l'auriez-vous pas pris ? Vous seriez-vous dit que l'amour est une chose facile, avec laquelle il faut jouer ? Adonis ne parvenait en tout cas pas à faire cela. Il ne parvenait à se figurer qu'un jour, il aimerait. Et pourtant, en mars 1977, alors qu'il marchait dans un Oxford enneigé avec Georgia, il se disait qu'il ne serait jamais aussi heureux qu'avec elle a son bras, l'écoutant raconter ses histoires de famille. Plus tard, Adonis serait incapable de déterminer précisément à partir de quel moment il avait commencé à aimer Georgia Elspeth Prince ; il n'était probablement pas tombé amoureux d'elle cette nuit-là, ça s'était certainement passé avant, peut-être même le jour où il l'avait rencontrée, ou pendant l'une de leurs interminables chamailleries, mais en tout cas, il était certain qu'il ne s'était pas passé une nuit depuis celle-ci où il n'avait pas été amoureux d'elle.*
« Quand il est parti pour l'enterrement de sa mère, Dumbledore a laissé Cassandre et Georgia rentrer en France avec lui. Tout Poudlard pensaient qu'ils resteraient plus longtemps, mais deux jours plus tard, ils étaient tous de retour à Poudlard…
– Il y avait même des rumeurs qui disaient qu'Adonis ne reviendrait pas. Puis finalement il est revenu, Georgia et lui ont commencé à s'afficher ensemble, c'était comme si il ne s'était rien passé... »Dans la nuit du 2 au 3 mai, Adonis avait voulu envoyer une lettre à son père. A la hâte, il avait sorti sa plume et son encrier pour s'empresser de lui écrire : il voulait rentrer en France pour être auprès de sa mère, qu'il savait sur le point de rendre son dernier souffle, et il en était certain : Dumbledore accepterait. A vingt-trois heures passées, il sortait du dortoir des Poufsouffle situé au sous-sol du Château, en pyjama sous sa robe de sorcier noire. Il monta les étages pour atteindre la volière tout en priant Morgane de ne croiser aucun préfet. Adonis poussa la porte de cet immense perchoir à oiseaux et repéra rapidement le sien, Azur. Il était dans l'une des cases, une lettre déjà accrochée à sa patte, attendant patiemment l'heure de la remise des courriers au petit-déjeuner pour pouvoir la délivrer à son maître, comme s'il s'agissait d'une lettre comme une autre.
Adonis trouva Georgia, ce soir-là, et pleura dans ses bras toutes les larmes de son corps. Les deux adolescents avaient fini par s'embrasser, comme s'ils l'avaient toujours fait, comme s'ils avaient toujours été faits pour le faire. Si le français était certain que Cassandre viendrait en France avec lui, il voulait que Georgia soit elle aussi présente. Il lui demanda alors de rentrer en France avec lui, et elle accepta. Adonis eut l'étrange impression de l'avoir invitée à faire partie de sa famille, et il n'était pas encore capable de déterminer si c'était une très mauvaise ou une très bonne chose.
Il ne dormit pas pendant les deux jours qui suivirent, sortant à peine de son dortoir, attendant, hagard, que le Poudlard Express vienne enfin les chercher pour les ramener à Londres. Apparemment, M. Leroy voulait faire les choses bien, et ne voulait pas que son fils soit à ses côtés pour ce faire. A défaut d'avoir aidé sa femme à mourir dans une certaine dignité, il voulait s'assurer que tout le gratin de sorciers français au sang-pur viennent lui payer leur respect, respect que lui ne lui avait jamais accordé. Adonis en avait envie de vomir.
Quand ils arrivèrent enfin, deux jours après le décès de Louise, dans la maison familiale de l'arrière-pays niçois où elle avait voulu être enterrée, le meilleur ami d'Adonis, Alexandre, manqua de ne pas le reconnaître.
Alexandre Hautmont avait dû faire des mains et des pieds pour être présent à cet enterrement ; pour dire les choses simplement, il était loin d'être le bienvenu chez les Leroy, et ce malgré son sang pur et sa qualité de meilleur ami d'Adonis. Pourtant, il n'avait pas le choix : il fallait qu'il y soit, non seulement pour Adonis, mais aussi pour sa mère. Je ne parle pas ici de Louise, mais bel et bien de la mère d'Alexandre, Valentine Hautmont. Encore une mère, me direz-vous ? Mais ne comprenez-vous pas la place que cette femme peut avoir dans cette histoire ? Pourquoi aurait-elle tout fait pour que son fils aille à cet enterrement, alors même que cela faisait plus de quinze ans que les Leroy et les Haumont ne se fréquentaient plus ? Et bien parce qu'évidemment, c'est cette Valentine qui a vécu une idylle interdite avec Louise, et s'il était absolument impossible qu'elle soit présente à cet enterrement, il fallait alors absolument que son fils, lui, puisse y aller. Valentine se décida alors à enfin raconter à Alexandre ce qu'elle n'avait jamais eu le droit de dire à personne : comment, à seize ans, promis à celui qui deviendrait son mari, elle était tombée amoureuse de Louise Gauthier, sang-pure elle aussi, fiancée comme elle à un homme de plus de quinze ans son aîné. Or, de toute façon, dans les années 1950 en France, fiançailles ou non, quelle est la place d'un couple homosexuel ? Inexistante, ce n'est tout bonnement pas supposé exister, monde magique ou non. Mais Louise et Valentine s'en satisfaisaient. Bientôt, elles furent toutes les deux mariées, mais elles continuèrent leur histoire, en secret mais heureuses. Leurs enfants naquirent à quelques semaines d'écart, Alexandre et Adonis furent ainsi élevés comme des frères. Peut après qu'ils aient fêté leur quatrième anniversaire, un rumeur commença à se répandre dans la haute bourgeoisie sorcière. Mmes Leroy et Haumont tromperaient-elle leur mari ensemble ? Il fallu quelques semaines pour qu'Henri Leroy découvre tout ; le mari de Valentine, lui, était au courant quasiment depuis le début. Si les deux époux ne s'étaient jamais aimés d'Amour, ils avaient toujours tout partagé, comme des meilleurs amis. M. Leroy, en plus de son dégoût face à cette situation, refusait que sa famille risque un peu plus le scandale, que son nom soit entâché. Il força les deux femmes à se séparer, et interdit à son épouse de revoir « La Hautmont », comme il l'appelait. Les deux jeunes garçons, presque frères, furent eux aussi séparés, pour se retrouver quelques années plus tard, comme poussés l'un vers l'autre, entre les murs de Beauxbâtons. Valentine fit promettre à son fils qu'il irait, coûte que coûte, à cet enterrement, mais pas avant de l'avoir fait jurer qu'il ne raconterait pas cette histoire à Adonis ; ce n'était pas le moment, jugeait-elle.
Bref, après avoir passé près d'une nuit à parlementer avec Henri Leroy, Alexandre obtint l'autorisation de rester. Le patriarche finit par se féliciter de son choix, se disant qu'il n'aurait pas à sécher les larmes de son fils auquel il n'avait jamais su parler si ses meilleurs amis – et une sang-pure anglaise, il avait fait ses recherches – étaient là pour lui. De toute façon, les deux femmes ne risquaient pas de se retrouver par l'intermédiaire de leur fils, puisque l'une des deux était morte.
Alexandre ne reconnut donc pas son meilleur ami quand il apparut du Porteloin en forme de miroir posé dans le petit salon des Leroy. Il avait changé : perdu du poids, gagné quelques centimètres de cheveux, ses cernes violacées marquaient son visage jusque ses joues et son odeur empestait la cigarette. Et Adonis, quant à lui, ne sembla pas vraiment s'intéresser à cette présence pourtant étonnante dans sa maison. Il grimpa dans sa chambre, pour se replonger, pour la millième fois, dans la lecture de
Bel-Ami ; ou était-ce
Autant en Emporte le Vent ? Il ne savait même plus ; il dévorait ces pages qu'il adorait sans même savoir si leur héros s'appelait Du Roy ou Scarlett, pour se sortir, au moins pour quelques minutes, de l'horreur de ce qui lui arrivait. Alexandre pris relativement bien les choses en main. Il poussa Adonis à la douche, lui ordonna de se raser, lui trouva un costume pour la cérémonie, et glissa quelques gouttes d'un somnifère puissant dans son verre de vin pour qu'il puisse dormir après celle-ci. A vrai dire, Adonis se serait peut-être endormi sans ; il avait tellement pleuré que se retrouver dans les bras de Georgia aurait pu lui suffire pour s'endormir.
Le lendemain, il ordonna qu'on lui trouve un portoloin qui le ramènerait à Londres sans plus tarder. Il serra son meilleur ami dans ses bras, le remerciant de tout ce qu'il avait fait pour lui, et tourna le dos à son père, sur lequel s'était reporté sa colère. Touchant du bout des doigts le portoloin, il se jura qu'à partir de la seconde où il poserait son pied à Poudlard, il ne verserait plus une larme. Il obéit à cette promesse avec une rigueur qui étonna tout tout le château.
« C'était comme s'il était redevenu le sorcier qui avait débarqué à Poudlard en septembre 1976. Il s'était coupé les cheveux, avait recommencé à s'habiller, et s'il ne mangeait pas plus, au moins, il ne puait plus la cigarette.
– Georgia et lui ont commencé à s'afficher ensemble, il a passé ses ASPIC avec brio. Tout avait l'air d'aller mieux.
– Mais Georgia a rompu avec lui avant la fin de l'année ... Je suppose que ça veut dire qu'il n'allait pas si bien que ça ... »Adonis, en rentrant, avait demandé à Cassandre de lui couper quelques centimètres de cheveux. Elle s'était exécutée, mais les lui avait laissé tout de même assez longs ; ce n'était finalement pas une coupe qui lui déplaisait, au contraire, même. L'Adonis de 1976, celui qui sortait tout droit de Beauxbâtons, avait disparu ; celui qui l'avait remplacé avait les cheveux plus longs, et l'air qui était peint sur son visage n'était plus celui de l'éternel heureux. Mais qui y croyait, de toute façon, à ce masque ?
Il avait décidé d'écouter les complaintes de ses colocataires et avait arrêté de fumer dans la chambre, et s'il ne reprenait pas de poids, il avait recommencé à manger, un peu. Georgia et lui s'affichaient main dans la main, aux yeux de tous, à Poudlard ; ils couchèrent pour la première fois ensemble dans le courant du mois de mai. Voyez comme les rumeurs qui les voyaient partageant un même lit dès mars avaient tort. Adonis croyait qu'il allait mieux. Que finalement, la mort de sa mère avait été un soulagement ; qu'au moins, ses souffrances étaient enfin terminées. C'était en tout cas ce qu'il répétait à longueur de journée à chaque personne qui le lui demandait, même aux plus proches, si bien qu'il avait lui-même finit par y croire. Il se plongea dans le travail, comme tout bon Poufsouffle est capable de le faire. Il passa des heures à la bibliothèque jusqu'à tomber de sommeil entre ses piles de livres, sentant tout de même qu'il faisait cela parce que lorsqu'il ne se focalisait pas sur quelque chose, son esprit divaguait, pour se porter quasi systématiquement sur sa mère ; et il ne voulait pas y penser, il ne voulait plus y penser. Il voulait tout oublier, que sa mère était morte et qu'il s'était juré qu'il ne parlerait plus à son père, que cette année à Poudlard lui avait apporté une quantité inattendue de malheur si bien qu'il se surprenait parfois à regretter d'avoir signé ce papier qui l'engageait pour cette année, durant laquelle il avait pourtant trouvé quelque chose d'absolument inattendu : l'Amour.
Adonis avait même commencé à faire des projets pour l'après-Poudlard : il s'était inscrit au programme de formation à la médicomagie de Sainte-Mangouste, et l'avait annoncé à Georgia un grand sourire aux lèvres, heureux de ne pas avoir à rentrer en France pour cette formation, et donc heureux de pouvoir rester près d'elle. Il avait commencé à se reconstruire, mais tout cela était faux, et l'anglaise l'avais très bien compris. Elle le voyait mentir, aussi bien au monde, qu'à elle et qu'à lui-même. Plusieurs fois, elle tenta de le lui faire voir. Il balaya cela d'un revers de main, prétendant qu'il allait
très bien, ne se rendant pas compte que plus il répétait cela, plus il écaillait leur relation.
Il passa ses ASPIC avec brio ; il en était certain, les « OPTIMAL » pleuvraient. Mais tout cela à quel prix ? A quoi bon –
se – mentir, à quoi bon se donner corps et âme au travail, à quoi bon faire des projets, si Georgia n'était pas à ses cotés pour faire cela ?
Adonis ne put que comprendre sa décision quand elle lui annonça qu'elle le quittait, juste après la fin des ASPIC. Il prit ça comme une claque en plus, mais ne put que baisser le crâne. Il aurait dû se battre pour elle, mais en était-il seulement capable ? Ça n'avait même pas été un sujet de dispute, il l'avait laissée le quitter sans s'y opposer. De toute façon, Adonis et Georgia ne se disputaient plus. Les chamailleries et provocations avaient disparu, pour laisser place à une relation que personne n'attendait et qui étonnait tout le monde, eux compris. Adonis n'était plus que le fantôme de lui-même, et il avait, pendant quelques mois, entraîné Georgia avec lui. L'égoïsme de l'enfant unique, de l'enfant roi, certainement.
Adonis, à peine sorti de Poudlard, transplana jusqu'à Paris. Auprès d'un moldu, il loua un petit studio sous les toits de Saint-Germain-des-Prés, et s'y enferma tout l'été, se disant qu'il n'avait plus qu'à attendre que ces deux interminables mois passent pour qu'enfin arrive septembre et le début de sa formation. Ça avait toujours été son rêve, de devenir médicomage, et le programme de Sainte-Mangouste était parmi les meilleurs d'Europe.
Il ne sortait de sa chambre de bonne que pour s'acheter ses clopes, ainsi qu'à boire et à manger. Il avait empilé autour de son lit toute sa collection de
classiques qu'il dévorait pendant la nuit, tandis qu'il dormait le jour, admirant ces moldus du dix-neuvième siècle comme s'ils étaient des dieux. Il avait d'ailleurs égaré sa baguette quelque part dans ces quinze mètres carrés, et n'avait à vrai dire pas vraiment cherché à la retrouver. Les lettres que ses amis lui envoyaient étaient éparpillées, toujours closes, tout autour de son lit, alors que deux ou trois beuglantes avaient été vulgairement jetées à la poubelle après leur ouverture automatique.
Un parchemin sur lequel deux mots étaient inscrits par ses soins était posé, quasiment intouché, sur sa table à manger. En s'approchant, on pouvait y lire :
Mon amour, .
Il n'avait jamais réussit à la continuer.
« On raconte que tous ses amis sont allés toquer à sa porte, à la fin de l'été, et qu'ils l'ont poussé jusque devant chez Georgia, pour qu'il s'excuse et qu'il tente de la reconquérir.
– J'espère que c'est vrai, et qu'il a réussi. Ils sont faits l'un pour l'autre ... »Georgia et Adonis vont finir ensemble. Elle va être la femme de sa vie, et lui l'homme de la sienne. Mais ils ne le savent pas encore.
*extrait librement adapté de la merveilleuse fic de Jewels5, The Life and Times, chapitre 36. Si je l'ai pas déjà assez dit, va la lire, putain.