Everybody stops and they staring at me | Austin

Parfois, il arrivait à Eve de souhaiter ne rien faire de sa journée. C’était en soi un phénomène rare, un peu comme les éclipses solaires ou les doubles arcs-en-ciel. Et comme dans ces deux exemples cités, une Eve à la recherche de calme était un délice que savouraient la plupart de ses camarades. Non pas qu’ils détestaient son abondante imagination et sa propension à plonger dans une ébullition fiévreuse chaque pièce du château par sa présence, ses dires ou ses gestes – ou les deux à la fois -, mais de temps à autre, un peu de répit entre deux tempêtes ne pouvait faire de mal à personne. Et c’était ce que ses comparses de dortoirs avaient naïvement cru ce samedi matin, alors que la blonde sommeillait encore telle une princesse gracieuse – ou plutôt telle une étoile de mer soigneusement affalée sur toute la surface de son lit aux draps défaits qui gisaient, vaincus, à terre -. On la voyait rarement aussi sage et aussi immobile et le spectacle était tel qu’on avait souvent hésité à photographier la scène tant elle pouvait paraître irréelle. L’heure était pourtant propice à se tirer hors de sa couette pour peut-être savourer un des derniers rayons de soleil avant la période hivernale, à moins que les plus Serdaigles des Gryffondors ne choisiraient de déjà s’enfermer entre les murs de l’austère bibliothèque pour préparer les examens de Noël.

Point de choix à faire pour Millerfield qui était à deux doigts de ronfler joyeusement quand la dernière de ses camarades Serenna claqua la porte pour quitter le dortoir, la laissant donc seule maîtresse des lieux. Et ce fut là la seule et unique erreur que commit la rouge et or voisine de sommier : faire du bruit. Si la blonde avait une haute résistance à l’agitation ambiante et pouvait de temps à autre réaliser des grasses matinées d’une longueur redoutable, il ne suffisait parfois que d’un infime soubresaut, d’un son anodin et sec, pour que les yeux du dragon … Pardon, d’Eve ne s’ouvrent et que la jeune fille s’éveille enfin de son profond repos de guerrière – ou de lionne, c’était selon.

Baillant à s’en décrocher la machoire et s’étirant à la façon des félins les plus acrobatiques, il fallut bien cinq bonnes minutes de bougonnements et de gigotements de toute sorte pour que l’anglaise daigna expulser son oreiller par terre dans un joyeux lancer et sauter sur ses deux pieds. Il était grand temps de se secouer les puces ! Après une douche aussi revigorante qu’énergique, Eve avait déjà enfilé ses vêtements - qui se résumaient à comme la plupart des jours de week-end, une tenue de sport – et descendait quatre à quatre les marches du dortoir pour se précipiter dans la salle commune.

A cette heure-ci, l’endroit était plutôt rempli, nombreux étant les élèves qui paressaient au coin du feu ou jouaient à toute sorte de distraction capable de leur faire passer le temps agréablement. Les yeux d’Eve ne perdirent pas de temps à comprendre son environnement : tout ce qu’elle voulait, c’était dénicher Willersham le plus vite possible. « Austin !  » Victoire, elle l’avait trouvé. A en juger par le ton de voix qu’Eve avait employé, celle-ci semblait visiblement enjouée de tomber sur lui à ce moment précis, comme si un timing parfait s’était enclenché dès lors qu’elle avait mis le pied hors du dortoir des septièmes années. Elle avait quelque chose en tête, c’était indéniable. Tous les signaux étaient présents pour le faire croire, et elle lui fonça presque dessus. « Il faut qu’on s’entraîne. C’est pas parce que le terrain est explosé qu’on peut pas se bouger ! Je veux te voir dans cinq minutes prêt à aller courir. »  Dynamique, dotée d’une autorité implacable et surtout ne laissant absolument aucune seconde de négociation à son meilleur ami pour protester, Eve fonça droit vers l’ouverture ronde de la salle commune qui menait à l’extérieur. L’objectif était on ne peut plus clair dans sa tête : qu’il vente, qu’il pleuve, qu’il neige ou qu’il fasse grand soleil, ils allaient tous les deux s’entraîner à la manière Godric Gryffondor, et tant pis pour les fatigues musculaires et les réticences de fillettes.

La sang-mêlée se retrouvait donc dans le parc plutôt calme du château, bras fermement croisés, son regard fixant la grande entrée menant au hall d’où ne devrait pas tarder à sortir Austin. Et dès lors qu’il apparut, Eve ne manqua pas d’y aller de son petit commentaire taquin – comme souvent quand ils étaient à deux. « Eh bah, j’ai failli attendre ! T’étais encore en train de draguer ? »

Comme tous les matins, la lumière du soleil décidait de s'installer pile sur son visage, tandis qu'il grogna avant de se tourner dans l'autre sens en soupirant. Si l'écossais avait choisi ce lit parmi tous ceux du dortoir, c'était pour pouvoir se réveiller tôt tous les matins pour faire du sport, seulement avec les années il était bien moins assidu, si bien qu'il regrettait un peu son choix, surtout quand les gars avaient décidé de veiller toute la nuit pour organiser un plan d'attaque pour faire perdre des points aux serpentards. Bien sûr, même si tous les matins ils se lever tôt, il n'était jamais le premier couché, si ce n'était d'ailleurs lui le dernier. La plupart du temps, il rattrapait ses heures de sommeil en cours, ce qui avait naturellement le don d'agacer les professeurs qui lui se plaisaient à lui rappeler que pour devenir Auror, il ne lui faudra de biens meilleures notes aux examens. Seulement, Austin comptait plus en sa bonne étoile qu'aux révisions et abandonnait l'idée d'avoir un jour de bonnes notes en potion.

Comme il n'allait sûrement plus se rendormir, il décida de s'extirper du lit sans faire trop de bruit et d'enfiler un bas de jogging, ainsi qu'un haut un peu trop grand pour lui, comme beaucoup de ses vêtements d'ailleurs. Après un étirement ou deux, il traversa la pièce en direction de la porte, rigolant un peu en voyant les têtes endormies de ses camarades. Dans un silence assez religieux et un pas assez lent, il se dirigea en direction des lavabos pour se laver les dents, avant d'entrer dans la salle commune de sa maison. Quelques élèves matinaux étaient déjà installés autour du feu ou des tables, à discuter des cours et autres aventures qui ne le concernaient absolument pas. De rapides signes de main à certain avant de se poser avec les délicatesses d'un phoque dans son fauteuil en cuir favoris.

Dans son trône, il observait les gens sortir des dortoirs avec une tête d'oreiller, attendant quelqu'un d'intérêt pour partir manger. Le petit-déjeuner était selon lui, un véritable rituel et sans ce dernier, la journée commençait forcément mal. Les minutes passèrent et la salle se remplit assez vite, si bien qu'il n'apercevait plus les portes qui menaient vers les différents dortoirs des rouges et ors. Avant qu'il n'arrive à se lever pour se dégager de la foule, une blonde qu'il connaissait que trop bien fonça sur lui en criant avec un large sourire. Une des choses qu'il adorait avec Eve, c'était qu'elle avait toujours l'air contente de le voir, ce qui n'était pas forcément le cas de tout le monde dans ce château. « Hey ! La belle au bois dormant est tombée du lit ? » Un large sourire avant de se lever de son fauteuil avec son sourire un peu simplet qui lui allait si bien. Un sourire qui s'effaça légèrement quand il comprit que le petit-déjeuner allait sûrement être remis en cause.

Alors que lui commençait à prendre goût aux matinées tranquilles, sa meilleure amie elle semblait plutôt d'humeur à se dépenser. Quand elle exposa son idée, il ne manqua pas de soupirer un peu, tel un enfant montrant son manque d'enthousiasme évident pour une promenade dominicale en famille. Seulement, avant qu'il n'ait le temps de décliner la proposition, Eve était déjà partie sans même lui demander son avis. Un long soupire avant d'abandonner l'idée de lui poser un lapin et de remonter dans sa chambre pour enfiler une bonne paire de basket. En soit, c'était une bonne chose de faire un peu de sport, étant donné que depuis la perte du terrain ils commençaient un peu à rouiller. D'ailleurs, son frère lui avait envoyé des entraînements à faire, qu'il avait discrètement laissé de côté après Halloween.

Une fois chaussures aux pieds et un peu plus dans l’optique de faire du sport, le jeune homme retrouva son ami devant le château avec un sourire. « Ouais ! Une fille super belle, genre pas comme toi. » Un sourire avant de lui donner un petit coup d’épaule amicale, comme il avait l’habitude de le faire. Les deux amis étaient toujours sur la même longueur d’onde et s’amusait toujours beaucoup ensemble, comme des petits lionceaux hyperactifs. « Bon, tu veux courir ? Ou on fait genre des exercices dans un coin tranquille ? » Austin croisait intérieurement les doigts pour que son ami opte pour la deuxième option, qui lui évitera des courbatures à chaque muscle de ses jambes.